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Retour sur image: Nelly Arcand

  • 04/06/2010

J’ai réalisé cette photo pour la couverture du Journal VOIR en 2004, à l’occasion de la sortie de son livre « Folle ».

Avec un titre de livre comme celui-là, et un personnage comme Nelly Arcand, il était impossible de faire une photo banale, et l’étendue des possibilités était immense, à condition qu’elle accepte nos idées.

Quand je pense à des concept, je joue ! Je joue avec les mots, les idées, les formes et les lignes.

Quand il s’agit de couverture de magazine, on est dans un cadre promotionnel et professionnel. Je suis payé pour faire une image qui servira à promouvoir un artiste, et qui fera en sorte que le journal pourra vendre sa publicité. Toute l’action se situe bien au 2ème degré, un degré professionnel !

Un des thème abordé dans le livre de Nelly Arcand était le suicide ! J’ai accroché sur ce point là, et proposé qu’on la photographie avec une corde à noeud coulant, qui se tiendrait prête à être utilisée, derrière elle. François Desmeules, le rédacteur en chef d’alors, qui la connaissait, m’a dit qu’il allait lui en parler. Il lui en parla et elle accepta. J’étais content !

Le jour de la prise de vue, je vis cette superbe femme arriver. On a choisi cette robe noire moulante, et un maquillage bien noir pour faire ressortir ses yeux bleus cristallins.

Nous avons fait pas mal de photos avec la corde qui se tenait derrière elle, mais ce qui me gênait dans ce que nous étions en train de faire, c’était le côté évident de la mise en scène. Evident dans le sens ou la mise en scène prenait trop le dessus sur l’émotion. Et puis, on s’est mis à douter du message. Était-on en train de faire la promotion du suicide, pour des fins commerciales ? Était-il vraiment nécéssaire d’aller jusque là ? Et oui, mon métier, aussi futile puisse t-il paraître parfois, m’oblige à me poser ce genre de question !

Pour ces raisons, nous avons décidé de retirer la corde, et de jouer plus sur l’émotion.
J’ai alors demandé à la maquilleuse de faire couler le maquillage, pour simuler le fait qu’elle venait de pleurer. On jouait et on avait bien du plaisir, …. nous !

Vous rendez-vous compte ?
Si nous avions su ce qui allait advenir …

Quand j’ai appris son suicide par pendaison, en septembre dernier, je suis resté tétanisé. J’avais joué, en toute innocence, avec des éléments et un scénario qui allait être celui de sa fin.
Ce jour là, j’ai rembobiner ma mémoire, j’ai essayé de me remémorer l’état d’esprit dans lequel elle était lorsque nous avons fait ces images, en espérant me rappeler qu’on avait ri de ce qu’on était en train de faire, ou de trouver un souvenir qui me conforterai dans l’idée que ce jour là, on jouait …. tous !
Mais non, je me rappelle de Nelly Arcand, très douce, très belle, mais aussi assez insécure, en retrait, presque spectatrice parfois, qui jouait le jeu, avec retenu.

Et une question me trotte dans la tête depuis l’annonce de son décès, et je sais que je n’aurai jamais la réponse:
Aurais-je eu une quelconque influence dans cette histoire, malgré moi ?
Même si cette prise de vue n’était qu’une pièce minuscule du gigantesque puzzle de sa vie, y aurait-il une « chance », aussi infime soit-elle, que cette mise en scène lui ait traversé l’esprit.

En commençant à écrire cet article, je pensait y mettre la photo en question, celle avec la corde, mais finalement, par respect pour Nelly Arcand, et parce que dans cette histoire, le « 2ème degré » s’est transformé en « 1er degré », je me suis dit que ce n’était pas une bonne idée, et que c’était de toute façon inutile.

R.I.P. Nelly Arcand ….

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9 Comments on Retour sur image: Nelly Arcand

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